Enfant, il raffolait des bandes dessinées : « C’est comme ça que j’ai appris l’anglais quand j’ai immigré ici, à l’âge de neuf ans », raconte le Vancouvérois Kosta Tsetsekas, designer principal chez Signals Design, qui a signé l’émission consacrée à Superman.

Au milieu des années 1950, pour un jeune venu d’ailleurs, Superman constitue le modèle idéal : n’est-il pas lui-même un immigrant… d’une autre planète? À la fois Canadien, États-Unien et Kryptonien, il incarne la différence, mais aussi l’ouverture, la tolérance et la justice.

Superman est né il y a 75 ans de l’imagination fertile de Joe Shuster (cousin germain de Frank, du duo comique « Wayne et Shuster ») et de Jerry Siegel. Le premier vient au monde à Toronto et l’autre à Cleveland, mais ils se rencontrent dans le Midwest, un milieu qui paraît bien rude à ces deux jeunes intellectuels juifs – deux « extraterrestres », en quelque sorte. Le personnage qu’ils inventent apaise leur sentiment d’exclusion et les rassure : qui oserait railler Superman ou l’intimider? Mais ce héros qui survit aux tirs de ses ennemis tient peut-être d’une réalité tragique : le père de Jerry a été abattu par des voleurs en défendant son commerce.

Le grand public découvre Superman en 1938, dans le tout premier numéro d’Action Comics. Alors que le surhomme à la cape rouge végète dans une pile de croquis chez National Comics, avant de se retrouver à la page couverture du nouveau magazine. Dès le quatrième numéro d’Action Comics, les lecteurs s’arrachent ses aventures.

Superman, un Canadien?
Assurément. Les Minutes du patrimoine lui ont même consacré une capsule : ces films historiques de 60 secondes diffusés sur les écrans de télévision canadiens ne rendent-ils pas hommage aux personnages marquants de l’histoire du Canada? Pour imaginer Métropolis, la cité de Superman, Joe Shuster s’est inspiré en quelque sorte de sa ville natale de Toronto pendant la Grande Crise pour situer les aventures du superhéros.

Quand il redevient simple mortel, Superman travaille comme journaliste au Daily Planet sous les traits de Clark Kent, aux côtés de ses collègues Lois Lane et Jimmy Olsen. Ici encore, les racines canadiennes de Joe Shuster affleurent : dans ses jeunes années, il travaillait après l’école dans un journal qui s’appelle aujourd’hui le Toronto Star (fondé en 1892 sous le nom du Evening Star et rebaptisé le Toronto Daily Star en 1900). Dans les premières aventures de Superman, le Daily Planet s’appelait le Daily Star… Le personnage de Perry White, rédacteur en chef implacable mais juste, rappelle Joseph Atkinson, dit « Holy Joe » (« Saint Joe »), qui a dirigé le Star de 1899 jusqu’à sa mort, en 1948. Enfin, avec ses allures d’obélisque, le siège du Daily Planet illustré par Joe Shuster évoque les premiers locaux du Star, au 80, rue King Ouest, à Toronto.

Une super émission de six timbres
Constituée d’un rouleau et de cinq timbres illustrant différentes époques de la vie de Superman, cette émission commémorative rend hommage aux créateurs qui ont su renouveler le personnage et préserver sa modernité depuis 75 ans.

Les timbres de rouleau arborent le célèbre « S » qui orne la poitrine du héros. Signée John Byrne, cette version de l’écusson reconnaissable entre tous figurait en couverture de l’édition de collection 1986 de Man of Steel #1 (L’homme d’acier, tome 1). Quant aux carnets, ils sont offerts sous cinq couvertures distinctes qui témoignent de l’évolution de l’identité visuelle de Superman et de celle du neuvième art (la bande dessinée). Chaque carnet compte dix timbres commémoratifs de cinq motifs différents.

Les cinq figurines commémoratives représentent : la couverture de la bande dessinée Superman #1, réalisée par Joe Shuster en 1939; celles de Superman #32 (Wayne Boring, 1945) et de Superman #233 (Neal Adams, 1971); une illustration des pages intérieures de Superman #204 (Jim Lee, 2004); et la couverture de Superman Annual #1 (Kenneth Rocafort, 2012).

Sur deux des couvertures de carnet figurent des illustrations de Joe Shuster publiées en 1939 : la couverture de Superman #1 et celle d’Action Comics #13. Les trois autres proposent des portraits plus modernes présentés en couverture des bandes dessinées suivantes : Superman #204 (Jim Lee, 2004), édition de collection Man of Steel #1 ou, en français, L’homme d’acier, tome 1 (John Byrne, 1986; illustration également reprise sur les timbres du rouleau), et Superman Annual #1 (Kenneth Rocafort, 2012).

À cœur vaillant, rien d’impossible
Quand le designer d’un timbre se passionne pour son thème, la magie opère. Kosta Tsetsekas ne s’en cache pas : « Le jour où Danielle [Trottier, gestionnaire, Conception et production de timbres, récemment retraitée de Postes Canada] nous a présenté le projet, j’ai sauté de joie : je retombais en enfance. »

Un projet passionnant, certes, mais périlleux! Parmi les milliers d’images de Superman, comment choisir les meilleures? Et comment faire l’unanimité chez les nombreux admirateurs du superhéros? « Depuis 75 ans, Superman s’impose comme l’un des personnages phares de notre imaginaire », résume le designer. « Notre plus grande difficulté consistait à rendre compte de son formidable parcours en seulement six timbres. Nous avons sélectionné des illustrations représentatives de différentes époques, y compris la nôtre. »

Animé d’un enthousiasme contagieux, Kosta Tsetsekas peine à contenir son impatience : « J’ai tellement hâte de faire encadrer ma planche non coupée pour l’accrocher chez moi! »