Le coq est toujours tourné vers l'est pour accueillir le soleil levant, mais cette année, il en sera légèrement autrement. Pour souligner la Nouvelle Année lunaire, Postes Canada fera appel à deux coqs fiers : l'un regardant vers l'est, et l'autre vers l'ouest. Les deux timbres de l'année du Coq - l'un au tarif du régime intérieur (50 ¢) et l'autre au tarif du régime international (1,45 $) - rendent hommage à un art oriental ancien, la peinture au pinceau chinois, qui est manié, pour l'occasion, à l'occidental selon une méthode de pointe.

« En tant que conceptrice, j'essaie avant tout d'être honnête », déclare Hélène L'Heureux, de la maison Gottschalk+Ash International, de Montréal. « Me lancer dans la peinture chinoise aurait été illusoire; je ne pourrais pas prétendre réaliser quelque chose selon un art qu'on met des dizaines d'années à maîtriser. »

La conceptrice a plutôt choisi d'imiter la peinture à l'encre de Chine grâce à un procédé informatique. « Je voulais créer un motif qui me permettrait de réinterpréter le genre de manière personnelle et plaisante. »

Pour Hélène L'Heureux, cette démarche était une façon respectueuse de traiter avec modernité une forme d'art ancien. La créatrice dit s'être inspirée d'artistes chinois contemporains qui ont exploré des avenues similaires. « J'ai vu récemment les oeuvres d'un peintre chinois qui crée des paysages à la Van Gogh. Il s'exprime nécessairement de manière personnelle, mais j'ai été impressionnée par l'authenticité et l'intégrité de ses paysages. J'ai également visité une exposition consacrée aux oeuvres de Xu Bing, qui conçoit des -pictogrammes de style chinois en utilisant l'alphabet occidental. Pour moi, les oeuvres de ces deux artistes avaient valeur de précédent et me donnaient le droit d'interpréter l'art chinois différemment, comme un pont entre l'Orient et l'Occident, entre l'ancien et le moderne. »

Recréer l'art chinois à l'ordinateur a été une tâche colossale. L'artiste n'a pas numérisé des photos de coups de pinceau; elle a plutôt réalisé chaque trait, chaque point et chaque marque en utilisant un logiciel qui permet d'imiter la transparence de l'encre ainsi que ses divers niveaux d'opacité. « Je peignais, mais avec un pinceau composé d'un faisceau de pixels ! », lance-t-elle.

Les éléments réalisés à l'ordinateur ont ensuite été assemblés un à un pour modeler la forme des deux coqs, de la même manière qu'un artiste l'aurait fait sur papier.

« Il y a des variations de ton très subtiles dans chaque coup de pinceau; ce sont des images très évoluées », estime Bill Danard, gestionnaire, Conception et production à Postes Canada. « Nous nous efforçons d'offrir quelque chose de différent chaque année pour les timbres de la Nouvelle Année lunaire. Les timbres de 2005 présentent un contraste intéressant par rapport aux vignettes colorées de l'an dernier sur l'année du Singe. Ils sont dignes d'intérêt parce qu'ils évoquent les qualités et le caractère esthétique de la peinture chinoise, un art qui est au coeur même de la culture orientale. »

L'étape suivante a consisté à transposer l'oeuvre raffinée, de l'écran d'ordinateur aux machines d'impression. « Il n'a pas été facile de reproduire fidèlement sur papier le travail de la conceptrice, avoue Bill Danard. Nous avons dû augmenter de beaucoup la résolution des images, ce qui a obligé les spécialistes du prépresse à faire preuve d'une grande créativité. Ils ont découvert que la meilleure façon de reproduire les divers tons des éléments peints - certains étaient très opaques tandis que d'autres étaient plutôt transparents - était de les traiter comme des couleurs séparées. Chaque image numérique a été décomposée en -plusieurs couches, selon la densité et la texture de l'encre, puis reconstituée, couche par couche, à une résolution plus élevée.

Le timbre au tarif du régime intérieur (50 ¢) a été imprimé en six tons de gris afin de préserver l'illusion d'une peinture à l'encre. Pour y ajouter de la texture, on a utilisé un procédé de gaufrage sur feuilles métalliques rouges et or, couleurs traditionnelles de la Nouvelle Année lunaire. L'arrière-plan subtilement moucheté rappelle l'effet obtenu autrefois avec le papier fabriqué à la main dans lequel on avait ajouté des petits morceaux de feuille d'or. Le tout dégage une douce impression de richesse.

Le timbre du régime international est offert en bloc-feuillet (timbre seul) et en planche non coupée de douze vignettes. Pour intensifier la splendeur de cette vignette à valeur nominale élevée, on a eu recours au gaufrage, à dix couleurs d'encre et à trois feuilles métalliques (une rouge et deux de couleur or, mais de tons différents). La vignette est représentée dans un ovale rappelant une forme traditionnelle d'éventail. L'arrière-plan, qui tire sur le vert, évoque de la soie brute.

Cette année, le bloc-feuillet se déclinera en deux moutures, dont une destinée aux philatélistes qui sera ornée des drapeaux du Canada et de la Chine ainsi que de la date anniversaire de leurs relations. Cette émission marque 35 années de relations diplomatiques entre ces deux pays.

« Les timbres rappellent cette relation, souligne Bill Danard. Le motif suggère une harmonie entre la tradition artistique et les méthodes d'impression contemporaines, en établissant un lien entre l'ancien et le moderne, à l'image de la Chine et du Canada. Il est très satisfaisant de voir ces concepts prendre forme parce que les relations interculturelles sont le coeur même de la série sur la Nouvelle Année lunaire. »