« Ce qui m'intéresse, c'est de peindre la solitude de l'homme et le passage inexorable du temps. J'essaie d'exprimer ce silence où nous évoluons tous. »
- Jean Paul Lemieux

Ses peintures évoquent peut-être le silence, mais chacune d'elles vaut mille mots. Jean Paul Lemieux est l'un des artistes canadiens les plus chéris. Nombre de ses œuvres dépeignent le pays qui habite notre imaginaire collectif, ses vastes espaces et ses profonds silences, ainsi que notre regard admiratif sur cet univers.

Il est donc approprié que trois peintures de Lemieux aient été retenues pour relancer la populaire série Chefs d'œuvre de l'art canadien de Postes Canada, dont la présentation a été remodelée et rebaptisée Art Canada. Les œuvres Autoportrait (1974), Les Noces de juin (1972) et L'été (1959) orneront respectivement les vignettes de 49 ¢ (tarif du régime intérieur), de 80 ¢ (tarif des envois à destination des É.-U.) et de 1,40 $ (tarif du régime international).

« Le concept doit servir l'œuvre », précise Hélène L'Heureux (de chez Gottschalk+Ash, Montréal), à l'origine de la nouvelle livrée de la série. « Le plus gros défi consistait à trouver la bonne démarche de miniaturisation. Ma vision était celle d'images simples, aérées et modernes. Même si nous reproduisons des œuvres d'époques différentes, nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes en 2004. »

Partant de cette prémisse, elle a créé un concept d'une asymétrie étonnante, soit un simple cadre blanc comportant des bordures élargies sur la gauche et dans la partie inférieure, où toute la typographie est regroupée. De facture moderne, les caractères sans empattement au riche fini métallique ressortent délicatement, tout à l'opposé des deux taches rouges contrastantes qui représentent la valeur nominale. « Une intéressante harmonie unit ainsi sans aucun encombrement tous les éléments de la vignette », souligne Alain Leduc, gestionnaire chargé de la conception des timbres à Postes Canada.

Au moment de reproduire les célèbres peintures de Lemieux, les couleurs ont constitué le principal obstacle. « Généralement, la séparation des couleurs se fait à partir de transparents fournis par la galerie ou par le propriétaire de l'œuvre », précise Alain Leduc. « Nous vérifions ensuite si les couleurs sont fidèles en comparant nos résultats avec l'original. Dans ce cas-ci, je les ai comparées à deux reprises et j'ai apporté chaque fois des correctifs pour obtenir les meilleurs résultats possibles. »

Pour Les Noces de juin, certains détails de l'arrière-plan étaient à peine visibles une fois miniaturisés. Pour compenser cette perte et maintenir l'intégrité de l'œuvre, nous avons éclairci quelques couleurs. « La reproduction est si bonne qu'il est possible de discerner, sous une loupe, tous les détails minuscules de l'arrière-plan », mentionne Alain Leduc. Un examen attentif de la vignette permet d'apercevoir une lune pâle dans un ciel nuageux, une femme dans les bois vêtue d'une robe rouge ainsi qu'un couple marchant avec leur chien devant un manoir.

D'autres moyens ont permis d'assurer cette intégrité. Hélène L'Heureux : « Il est important de recréer une vision claire de l'œuvre. Nous avons donc conçu des timbres de grandes dimensions, et de formes irrégulières, pour éviter de recadrer l'une ou l'autre des œuvres. Chaque vignette épouse entièrement la forme de la maquette. »

Cette décision concernant la taille et la forme a occasionné quelques casse-tête sur le plan de la -conception. « Nous voulions en outre que les dimensions reflètent la valeur nominale de chaque -timbre. La miniaturisation de la vignette au tarif du régime intérieur nous a occasionné des difficultés à cause de la forme très allongée de l'œuvre », souligne Hélène L'Heureux, qui a exploré toutes les possibilités jusqu'à ce qu'elle trouve les proportions idéales pour chaque timbre.

Mais ce ne fut pas l'unique -problème lié aux dimensions. « Il fallait ensuite trouver la formule mathématique permettant de réunir les trois vignettes sur le bloc-feuillet », d'ajouter la conceptrice. « Dans une certaine mesure, la taille définitive de chaque timbre était fonction de notre capacité à les regrouper sur le bloc-feuillet. »

Lemieux aurait certes apprécié l'attention et le soin apportés à la miniaturisation de ses toiles. Enseignant et peintre, l'artiste a passé la majeure partie de sa vie à Québec, où il est né en 1904. Il a commencé à peindre dès l'enfance, a étudié à Montréal et Paris, puis a enseigné durant plus de 25 ans à l'École des beaux-arts de Québec. Il a reçu de son vivant divers prix pour l'ensemble de son œuvre, dont l'Ordre du Canada. Il est décédé en 1990.

Ces timbres sont émis durant l'année où Lemieux aurait célébré ses 100 ans, et leur date d'émission coïncide avec l'inauguration d'une rétrospective de son œuvre organisée pour son centenaire. C'est le 22 octobre prochain que s'ouvrira au Musée des beaux-arts du Canada une exposition d'une trentaine de peintures de paysages réalisées entre 1950 et 1970 par l'artiste, qui a exercé une influence énorme sur cette forme d'art au pays.* L'exposition se déplacera ensuite au début de 2005 au Musée national des beaux-arts du Québec, situé à Québec, puis vers d'autres villes canadiennes. Entre-temps, les Canadiens de partout au pays -pourront admirer les reproductions philatéliques d'œuvres de Lemieux grâce à la série Art Canada de Postes Canada.

* Pour obtenir plus d'information sur cette exposition, rendez-vous sur le site Web du Musée des beaux-arts du Canada (http://www.gallery.ca/fr/voir/collections/artist.php?iartistid=3221).