Notre portrait financier
En 2024, ses difficultés financières continuant de s’intensifier, la Société se dirigeait vers l’insolvabilité. Le service postal se trouve à une étape charnière de son histoire. Son rôle de longue date en tant qu’infrastructure nationale publique essentielle pour la population et les entreprises canadiennes est encore sérieusement menacé.
La Société est tenue de rendre compte à la population canadienne de sa situation financière et de sa capacité à fonctionner sur le plan de la continuité de l’exploitation et de l’autonomie financière.
Les pertes continuent de s’accumuler
Postes Canada a enregistré sept années consécutives de pertes substantielles. L’évolution rapide des secteurs de la livraison des lettres et des colis, ainsi que des paramètres opérationnels, réglementaires et stratégiques désuets, qui entravent la capacité de l’entreprise à évoluer et à se démarquer, sont à l’origine de ces pertes.
En 2024, Postes Canada a enregistré une perte d’exploitation de près de 1,3 milliard de dollars. Cette perte exclut les gains non récurrents et les revenus de dividendes découlant des cessions de Groupe SCI inc. (SCI) et d’Innovapost Inc. (Innovaposte) aux premier et deuxième trimestres, respectivement. Depuis 2018, Postes Canada a enregistré des pertes d’exploitation cumulatives de plus de 4,5 milliards de dollars.
La Société a enregistré une perte totale avant impôt de 841 millions de dollars en 2024, soit 93 millions de dollars de plus que la perte avant impôt de 748 millions de dollars enregistrée en 2023. Cette perte avant impôt tient compte des gains non récurrents et des revenus de dividendes provenant des cessions de SCI et d’Innovaposte. Entre 2018 et 2024, Postes Canada a perdu plus de 3,8 milliards de dollars avant impôt. Le statu quo n’est clairement pas une option et des changements s’imposent à notre modèle d’exploitation et à notre cadre réglementaire et stratégique.
Résultat avant impôt du secteur Postes Canada
(en millions de dollars)
Un financement remboursable du gouvernement du Canada pour éviter l’insolvabilité
Pour éviter l’insolvabilité au milieu de 2025 et veiller à ce que Postes Canada puisse rester en activité, le gouvernement du Canada a annoncé au début de 2025 qu’il mettrait à la disposition de Postes Canada jusqu’à 1,034 milliard de dollars au cours de l’exercice fédéral 2025-2026.
Bien que le financement remboursable soit une mesure temporaire, il offre un soutien financier nécessaire pour permettre à l’entreprise de poursuivre ses opérations à court terme, de maintenir les services postaux et d’offrir de la stabilité à son personnel qui compte sur un salaire et des avantages sociaux. Toute somme d’argent fournie sera versée au besoin pour payer les obligations non discrétionnaires.
Le financement ne résout pas les problèmes structurels de la Société. Mais sans cela, et malgré les récentes augmentations du prix des timbres et les autres mesures prises pour contrôler les coûts et augmenter les revenus, Postes Canada n’aurait plus été en mesure de couvrir ses besoins en trésorerie d’exploitation au milieu de 2025.
Ce financement à court terme permet à Postes Canada de continuer à servir les Canadiens et les Canadiennes tout en travaillant avec le gouvernement fédéral sur les changements nécessaires pour assurer la viabilité à long terme du système postal.
L’incidence financière des arrêts de travail
La grève nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) au quatrième trimestre de 2024 a été une période difficile pour Postes Canada, son personnel et les millions de personnes au pays qui comptent sur le service postal. Postes Canada a présenté des propositions justes et raisonnables pour offrir un modèle de livraison plus flexible qui permettrait de mieux servir la population et les entreprises canadiennes et de soutenir ses activités, tout en augmentant les salaires, en améliorant les droits aux congés et en protégeant les dispositions relatives au régime de retraite à prestations déterminées et à la sécurité d’emploi pour le personnel actuel.
Les parties n’ont toutefois pas été en mesure de s’entendre. La grève nationale de 32 jours qui a eu lieu pendant la période des Fêtes a eu une incidence considérable sur les résultats financiers de l’entreprise, puisque la clientèle a dû confier ses livraisons à d’autres transporteurs en raison de l’arrêt des opérations. La confiance et la fidélité de la clientèle en ont été fortement ébranlées. De nombreux commerces qui ont trouvé d’autres fournisseurs de services de livraison ne sont pas encore revenus vers Postes Canada. C’est donc dire que l’incidence financière devrait durer bien après 2025.
La grève a pesé lourdement sur les résultats du courrier et des colis, ainsi que sur les secteurs d’activité en 2024 (par rapport à 2023) :
- Les revenus et les volumes du secteur Colis, qui avaient déjà diminué dans les trois premiers trimestres, ont connu une chute abrupte au cours de l’exercice, principalement en raison de la grève, baissant de 20,3 % et de 19,9 %, respectivement.
- Les revenus et les volumes du secteur Courrier transactionnel ont diminué de 5,3 % et de 9,3 %, respectivement.
- Les répercussions de l’arrêt de travail ont contrebalancé l’augmentation des ventes du secteur Marketing direct observée jusqu’à la mi-novembre. Les revenus de ce secteur ont diminué de 3 % en 2024 et les volumes ont légèrement augmenté de 1,8 %.
Dans l’ensemble, nous estimons que l’arrêt de travail a eu une incidence négative de 693 millions de dollars sur les revenus en 2024. Même si les coûts ont fortement baissé pendant la grève, l’incidence sur les revenus a été beaucoup plus importante. Par conséquent, la Société estime que l’arrêt de travail s’est traduit par une incidence négative nette de 208 millions de dollars sur la perte de 841 millions de dollars avant impôt de Postes Canada en 2024.
Liquidités et emprunts
Au cours des dernières années, les pertes annuelles récurrentes ont contraint l’entreprise à puiser dans ses réserves de trésorerie pour gérer la hausse des coûts découlant de son obligation d’assurer un service universel, de l’entretien de son réseau et du maintien des services postaux pour les Canadiens et les Canadiennes.
Postes Canada a besoin d’un financement d’au moins un milliard de dollars en 2025 pour rembourser sa dette et soutenir ses activités. La Société apprécie donc l’annonce du financement remboursable du gouvernement fédéral et pourrait avoir besoin d’emprunts supplémentaires à court terme pour demeurer solvable en 2025. Sans le financement du gouvernement, Postes Canada s’attendait à épuiser complètement ses réserves de trésorerie d’ici le milieu de 2025. Le financement sera essentiel pour rembourser une dette de 500 millions de dollars exigibles en juillet 2025.
Au 31 décembre 2024, la Société avait des prêts et des emprunts totalisant près d’un milliard de dollars. Si sa situation financière reste la même et si rien n’est fait pour modifier son modèle d’exploitation et son cadre réglementaire et stratégique désuets, la Société aura besoin d’un financement supplémentaire chaque année pour poursuivre ses activités et respecter ses obligations envers son personnel.
Le grand déclin du courrier se poursuit
Le déclin constant de la poste-lettres et la croissance du nombre d’adresses au pays représentent l’un des principaux facteurs qui exercent des pressions financières sur la Société. Pendant plus d’un siècle, les lettres ont constitué la principale source de revenus du service postal. En 2006, les volumes d’envois poste-lettres ont atteint un sommet historique avec près de 5,5 milliards de lettres livrées au Canada.
Les volumes d’envois poste-lettres s’élevaient à 5,5 milliards en 2006, comparativement à 2 milliards aujourd’hui
Depuis, les volumes d’envois poste-lettres du régime intérieur pour le secteur d’activité Courrier transactionnel ont diminué de 63 %, et les revenus connexes ont chuté de 30 %. Un système conçu pour livrer 5,5 milliards de lettres par an n’est pas viable pour 2 milliards de lettres. Les gens peuvent voir cette baisse marquée dans leurs boîtes aux lettres. En 2006, les ménages canadiens recevaient en moyenne sept lettres par semaine, comparativement à deux aujourd’hui.
Nos revenus issus du courrier diminuent, mais les coûts de livraison, eux, ne cessent d’augmenter. Nous livrons à plus d’adresses chaque année : plus de 200 000 nouvelles adresses s’ajoutent chaque année. En 2006, nous avons desservi 14,3 millions d’adresses et en 2024, 17,6 millions, soit une augmentation de 3,3 millions d’adresses. Livrer moins de lettres à plus d’adresses chaque année est une situation intenable qui accentue la pression sur les coûts.
En 2006, les ménages canadiens recevaient en moyenne sept lettres par semaine, comparativement à deux aujourd’hui
Un flot constant de colis est nécessaire pour compenser la baisse de la poste-lettres
Traiter et livrer les colis coûte beaucoup plus cher comparativement au courrier. Les colis exigent plus d’outils technologiques, d’équipement, de balayages et de soutien pour la clientèle, et prennent plus de place dans les installations et les véhicules. De plus, la livraison d’un colis prend souvent plus de temps qu’une lettre (il faut parfois obtenir une signature, par exemple).
Postes Canada a donc besoin d’un flot constant de colis pour compenser le déclin de la poste-lettres. Le secteur de la livraison des colis est extrêmement concurrentiel et l’entreprise n’a pas atteint les volumes nécessaires pour assurer sa viabilité financière. Bien que le marché du cybercommerce soit notre plus grande occasion de croissance, notre capacité à rivaliser avec la concurrence est limitée. Notre secteur Colis ne compense pas les pertes du secteur Courrier transactionnel, car nous opérons dans un marché concurrentiel avec une structure et un modèle d’exploitation rigides et désuets.
Coûts d’exploitation
Sans l’arrêt de travail, on s’attendait à ce que les coûts d’exploitation augmentent en 2024 par rapport à 2023. Toutefois, en grande partie en raison de la grève, les coûts d’exploitation de la Société ont diminué de 5,3 % par rapport à l’année précédente.
Les coûts de main-d’œuvre de Postes Canada demeurent importants. La main-d’œuvre représente de loin la plus grande part des dépenses d’exploitation globales de l’entreprise. En 2024, la main-d’œuvre et les avantages du personnel ont représenté 64,9 % du total des dépenses d’exploitation. Au cours de l’année, la Société a dépensé plus de 10 millions de dollars par jour en coûts de main-d’œuvre, à l’exclusion des avantages sociaux. Les coûts de main-d’œuvre ont augmenté au fil du temps, principalement en raison des augmentations salariales et du modèle d’exploitation désuet de l’entreprise.
Les coûts de levée, de traitement et de livraison hors main-d’œuvre s’élèvent à 16,8 % du total des dépenses d’exploitation en 2024, les dépenses d’investissement autres qu’en capital à 3 % et les dépenses d’investissement en capital (amortissement) à 5 %.
Répartition des dépenses d’exploitation – 2024
Bien que nous ayons pris des mesures notables pour gérer notre crise financière, nous ne pouvons pas y arriver sans aide. Postes Canada a urgemment besoin de changements à son modèle d’exploitation, à ses conventions collectives et à son cadre réglementaire et stratégique afin d’améliorer sa situation financière et de suivre le rythme de l’évolution des besoins et des attentes de la population et des entreprises canadiennes.